FUIR
video sd, images trouvées, stereo, 24 mn, boucle, 2023
Après avoir allumé des feux, habité des grottes et construit des maisons, nous avons oublié notre nature de proie. Pour autant, nous le demeurons. La philosophe Val Plumwood et l’anthropologue Nas- tassja Martin en ont témoigné. Respectivement attaquées par un crocodile et un ours, elles ont tiré de ces expériences la sensation d’appartenir à une chaîne de vivants. Ainsi désanthropisé.es, nous pourrions commencer à envisager les autres proies comme des espèces compagnes.
Dans cette pièce, j’ai récupéré des images issues de vidéos mises en ligne par des chasseurs au cours de battues. Ces vidéos ne permettent jamais de suivre un animal en particulier, il s’agit toujours de passages furtifs. Cette fugacité empêche d’approcher l’expérience de fuite de l’animal en la réduisant à des «occasions de tirs» plutôt qu’à une lutte pour survivre.
J’ai voulu me mettre ici en empathie avec l’animal. Par un travail conséquent de tri et de montage, j’ai tenté de faire basculer ces images du point de vue du prédateur vers celui de la proie. Il s’agit de suivre en permanence l’animal sur la durée. Cette durée que nous ne pourrions pas expérimenter autrement. C’est pourtant celle-ci qui crée la souffrance et l’épuisement. Dans la vidéo, la vision n’est plus limitée à quelques apparitions furtives de l’animal dans une allée, contrairement à ce qui est montré dans leurs vidéos. Nous nous retrouvons embarqué.es avec l’animal traqué, avec les cris puissants de la meute de chiens qui ne faiblit jamais. Le rythme soutenu de la vidéo et du montage ainsi que ce son rend le visionnage pénible sur la durée.
L’idée n’est pas de critiquer frontalement la chasse par des arguments raisonnés, il s’agit d’en proposer une expérience qui permette de développer davantage d’empathie avec la proie. Libre au spectateur de réprouver ce spectacle ou non.