#SUNSET
Techniques mixtes, photographies, gouaches
Chacun d’entre nous fait l’expérience de la disparition du visible. La routine quotidienne entraîne une perte de sensibilité avec ce qui nous entoure, la répétition borne les yeux et la vision se retire. Ainsi, face à ce regard qui s’ennuie, nous aspirons à voyager vers de lointains horizons, qui seraient à même d’offrir un choc visuel, une apparition.
Dans le poème « L’Eternité », la métaphore d’Arthur Rimbaud transforme le poète en « Voyant », il déplace notre perception quotidienne vers une vision nouvelle et salvatrice. Le monde ré-apparaît par l’intermédiaire de la métaphore. L’image est ainsi suggérée :
Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Eternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Sur le réseau social Instagram, on retrouve l’évocation de ce même soleil qui se couche, plus de 250 millions d’images y sont affublées du hashtag #sunset . Ce « sunset » s’affiche également dans la rue, sur des panneaux publicitaires. Ainsi, le soleil couchant est passé d’image de L’Éternité à image publicitaire, devenant dès lors un stéréotype. Le soleil n’existe plus que comme un fond d’écran, un décor pour selfie ou un papier peint. Nous sommes bien en peine de poser un regard neuf sur lui.
En effet, le poncif artistique du soleil couchant est repris jusqu’à devenir stéréotype, le soleil ne nous apparaît plus. Conscient ou non du processus, nous en sommes les prisonniers. Mais un paradoxe s’installe : moins nous voyons le soleil se coucher, plus nous le photographions, car le soleil, c’est « beau »
Notre perception toute entière du monde semble être ainsi contrainte et délimitée. Ce qui est vrai pour le soleil couchant l’est aussi pour une fleur, un nuage, un visage, un océan, la lune, une montagne, les étoiles …
Que faire face à ce constat ? Après la prise de conscience critique de cette disparition du visible, comment la photographie peut-elle encore faire ré-apparaître un paysage qu’elle a pourtant contribué à faire disparaitre ?
Les images de cette série sont une tentative, une ébauche de réponses visuelles.
Une première solution envisagée serait l’abstraction totale et radicale du paysage, mais celle-ci fait basculer l’image dans l’excès inverse. Privé de repères connus, notre regard glisse sur l’image qui demeure muette.
Face à cette impasse, j’ai décidé de prendre comme point de départ des photographies qui correspondent à une sensibilité commune (culturelle et stéréotypée), en photographiant à l’Iphone des paysages tels qu’on en trouve sur les réseaux sociaux et dans la publicité. Les images sont ensuite imprimées. Commence alors un travail plastique sur les impressions. Dès lors, il est question de faire ré-apparaître les paysages par tous les moyens possibles. Retouches informatiques, pliages, collages et peinture accompagnent cette quête du renversement de l’image initiale. Au terme de ces interventions, le résultat est re-photographié. Parfois, l’image première réalisée à l’Iphone se laisse encore deviner.
Proches et lointaines à la fois, les images tentent d’exister par et pour elles-mêmes dans le regard neuf du spectateur.